Au loin, quelques voitures klaxonnent. Le soleil, lui, se lève à peine sur le jardin du Luxembourg, ses rayons réchauffant quelques rêveur assis sur leurs bancs. Des hommes aux costumes impeccables et attaché-cases côtoient ici et là des marathoniens en sueurs s’étirant contre un arbre. Je me faufile parmi eux pour atteindre la porte du Sénat.
Le Bal commence, sécurité, tapis roulant, portique, me voici parvenu à ma destination le 4ème Colloque : droits et santé des femmes : « Femmes et conflits armés » organisé par l’ONG action santé femme.
Confortablement installé, moleskine sur les genoux et Bic en bouche j’observe. Une grande salle aux fauteuils bleus, pratiquement remplie. Des femmes de tous horizons, des médecins, des journalistes, des psychologues, des passionnées attendent patiemment la musique.
Le Docteur André Benbassa ouvre alors la danse avec un discours présentant les différentes missions de son ONG, leurs terrains d’actions et ses membres. Il conclue par une vidéo résumant le parcours du célèbre gynécologue et prix Nobel de la paix 2018, le professeur Denis Mukwege, malheureusement absent.
La Valse se poursuit par l’intervention de la journaliste de guerre Anne Nivat, qui évoque, se raccrochant à ses souvenirs, le rôle de la femme en temps de guerre, celui de la survie. « Je suis une femme de passage, on peut me confier des choses ». Elle raconte l’amour qui perdure sous les bombes, l’attente et le fait que chaque soir on s’étonne d’être toujours en vie.
La présidente d’Amnesty internationale France, Amapola Limballe explique ensuite que le « conflit ne s’arrête pas quand les hostilités cessent », ainsi, le viol, utilisé comme arme de guerre laisse des stigmates sur des générations : femmes excluent de leurs communautés, enfants abandonnés, la violence s’éternise et les blessures mettent du temps à cicatriser.
Elise Boghossian témoigne sur le sort des femmes Yezidis, elle nous parle de leurs détresses, des actes atroces dont elles ont été victime, de ce « marché sexuel » que certaines ont vécu. Elle enchaine ensuite sur celui des « femmes de Daesh », laissées pour compte, abandonnées, qu’il faut, selon elle accompagner pour ne pas que les erreurs du passé ne se reproduisent.
Ces femmes sont aussi des mères. Souvent seules dans les
camps de réfugiés, elles mettent au monde leurs enfants, les élèvent, les éduquent
entre les tentes et les baraquements qui s’alignent dans le désert.
Ainsi, l’obstétricien Xavier Duval-Arnould et la sage-femme Gwenola Chauvet partagerons
leurs expériences. Les césariennes réalisées à la tombée de la nuit, sous une
tempête de sable ; ces femmes courageuses qui les ont marqués, la
résilience de certaines et l’esprit combatif de d’autres.
La psychologue Elisabeth Dozio s’interrogera sur les interactions mère-bébés,
sur les « non-dit », sur cette transmission trans-générationnelle
du traumatisme nous laissant avec quelques pistes de soins.
Ces femmes voyagent, parcourent des kilomètres pour échapper à la guerre, la famine, traversent des mers de sables et des étendus d’eaux sombres. Deux voix s’élèvent, deux histoires: celle d’une migrante qui décrit la faim, la marche, l’espoir et celle du médecin humanitaire Guy Causse qui nous fait part de sa longue expérience.
Puis, au bout du chemin, la reconstruction et peut-être la paix comme le souligne la pédopsychiatre Marie Rose Moro « ces femmes se réinventent, une réinvention de soi et du lien sociale ». L’innommable, ce soupir traumatique doit être travaillé et transformé pour aider et accompagner les victimes.
Et finalement, pour se reconstruire il faut refaire le chemin, remonter ce fil de la pensée, dénouer les nœuds et continuer d’avancer.