La mémoire
« Que distinguez-vous sur cette radio, Monsieur l’externe ? », le torse bombé, la tête haute, il me toisait du regard. Premier souvenir d’externe, dernier souvenir de PU-PH. Coïncidence que ma première visite professorale soit la dernière de sa carrière. Massé derrière lui, le service de pneumologie ne faisait qu’un. Chacun avait son rôle, les pièces s’encastrer parfaitement, la machine était fonctionnelle et bien huilée. L’infirmière lisait les pancartes, l’interne présentait le patient, le chef de clinique acquiesçait et l’externe, lui, répondait aux questions.
Le sens
Le visage marqué, une tâche de café sur sa blouse, il sort de garde. Il s’assoit, fouille sa poche intérieure pour en sortir un de ces nouveau paquet neutre. L’allumette craque, la fumée s’élève tout comme la douce nicotine qui apaisera son esprit fatigué. Portable à la main, air-pod enfoncés, il active la « lecture aléatoire » : les notes synthétiques du nouvel album de Bleu Toucan commence à le réveiller : « Le Hublot », titre parfait pour s’évader, quitter un instant les murs grisâtres de cet hospice parisien.
L’estafette
Voilà donc deux mois que j’occupe le rôle si particulier d’interne en « psychiatrie de liaison ». C’est en 1939 que ce terme apparait pour la première fois sous la plume d’E.-G Billings, détaillant son activité au sein d’une des cinq unités psychiatriques d’un hôpital général des états unis. Depuis le début du XXe siècle, la psychiatrie s’ouvre à d’autre champ d’action que ceux de « l’aliénation » et s’installe notamment au sein des hôpitaux généraux.
Le viking
Le vent de l’ouest souffle, emportant les drakkars vers les fiords enneigés de la Norvège. La mer verte s’agite, chacun s’affaire alors ramant comme un seul être pour maintenir à flot le large vaisseau scandinave. A l’avant, Ragnar Lothbrok, contemple l’horizon, il quitte vaincu le rivage des Francs, désormais trahi et défait.
La vocation
En cette période de confinement, nombreux sont les isolés qui s’apaisent par l’introspection. Retrouver le sens, découvrir l’essentiel, résoudre les énigmes de l’âme devient alors la norme. Les soignants ne sont pas plus épargnés par ce mécanisme interrogatoire de l’esprit : les pratiques sont discutés, la parole se libère et maintes questions resurgissent. Cette crise sanitaire bouscule le corps médical, le pousse dans ces retranchements et certaines controverses refont surface.
La peste
Depuis toujours l’homme connait la maladie, punition divine d’autrefois, sorcellerie puis miasmes de la révolution industrielle. Chaque époque a connu son fléau : des sept plaies d’Égypte à la grippe espagnole, les archives regorgent de descriptions de ces ennemies invisibles. Toutes les grandes civilisations ont dû faire face à ces vipères de l’ombres aux noms plus qu’évocateurs : Le monstrueux typhus, l’abominable choléra, la vicieuse peste noire… Rome s’effondra sous la peste antonine et les amérindiens succombèrent à la variole sortie des caravelles des conquistadors.
L’alcool
Depuis toujours l’homme cherche tantôt à éveiller, émerveiller ses sens, tantôt à endormir, apaiser ses craintes. La transe, cette ivresse profane, cette extase mystique transporte les individus et perdure dans les époques. L’humanité n’a-t-elle pas domestiquée le blé et l’orge pour produire de la bière avant même le pain ? L’hydromel, ce nectar utilisé pour les rites chamaniques, plongeait ainsi les premiers hommes dans le doux engourdissement des fruits fermentés. De ces froides et longues nuits au pieds des rocs ou dans les steppes arides nous retenons contes, visions et oracles. Serait-ce notre amour pour la boisson qui déclencha alors la révolution néolithique, l’agriculture, la domestication ?
Le truand
Des étincelles, des flammes et du charbon, les Peaky Blinders s’avancent dans les rues de Birmingham. Tenues impeccables, manteaux virevoltants dans la poussière et casquette en Tweed. La plume aiguisée de Steven Knight nous fait ainsi redécouvrir l’Angleterre d’après-guerre, la grande Bretagne des années 20. Nous suivons l’épopée familiale des Shelby, gens du voyages sédentarisés, méprisés par les uns, terrorisant les autres, qui s’élèvent progressivement dans la société usant de ruses et de truanderies. Entre rencontres improbables avec le jeune Winston Churchill et déboires avec l’IRA le spectateur se plonge dans un univers industriel façonné par intrigues et conspirations.
Le cortège
Le haut-parleur grésille « Port-Royal », la rame commence à ralentir et alors que les portes s’ouvrent, les voyageurs sortent déjà de leurs sacs, leurs plus belles parures blanches. Dehors, des groupes s’organisent, des pancartes et banderoles aux slogans percutant se dressent. Du fond du boulevard une clameur nait, s’élève, prend forme « Sauvons l’hôpital publique ».
La souffrance
Le soleil de l’après-midi s’échappe du fin rideau de fer, projetant ses multiples faisceaux sur le mur blanc, une constellation de point lumineux dans ce petit volume sombre. Quelques mètres carrés accueillent ainsi un lit métallique, pieds vissés dans le carrelage.